vendredi 16 mai 2025

Texte final

 

5ème Blog consacré à « Histoire baroque à trois mains »


Avertissement aux lecteurs du blog 2024/2025


L'histoire a commencé bien avant l’arrivée de Sandrine Deschamps ou de Lorelyne Bazin dans le paysage restreint d'une petite ville du Borinage en Belgique, dans l’espace grandiose d'un lycée provincial du siècle passé.


L'auteur y avait installé son personnage principal, Alain Brunin, psychologue, chef du Centre psycho-médico-social du Lycée Provincial d'Enseignement Technique du Hainaut, dans son appartement à Mons puis sur la route, en direction du lieu secret d'une manifestation pour le climat. Alain et Martine, infirmière au Centre PMS, sont « victimes consentantes » d'une situation de confusion qu'un tiers va exploiter au travers d'une vidéo dommageable qui tourne sur le Web à leur insu. Alain se voit contraint de porter plainte et l'inspecteur de police en fait une affaire personnelle dès lors qu'il est le sosie du plaignant. Ils deviennent amis, complices, complémentaires, frères de sang et peut-être le sont-ils par le sang, par l'hérédité.


L'auteur laisse planer un brouillard entre le réveil d'Alain après une chute et une séance d'hypnose pendant laquelle il vit un remake de sa naissance qui ne ferait que confirmer une origine étrange. Du fait qu'il sait très peu de choses à propos de sa naissance, de ses racines, Alain pressent un secret de famille. Il est en recherche de son identité réelle.


À dessein, l'auteur joue sur la difficulté de situer les personnages dans la réalité, dans l’imaginaire, le rêve éveillé ou non. Il est question d'écho, de miroir, d'analogie, de concordance. Et justement les différentes voix concordent et confirment la nécessité d'investiguer, de s’imprégner du monde asiatique. Un premier voyage au Tibet, une sorte de pèlerinage, ne répond pas aux questions et les amis constatent qu'ils ne sont pas suffisamment préparés pour se lancer dans l'escalade de l'Everest.


L'auteur n'est jamais loin de ses personnages et, au fil de la narration, il partage sa lecture des événements, rend compte de l'analyse du thérapeute d'Alain et du vécu de ce dernier. C'est ainsi que le récit a pour titre Histoire baroque à trois mains puisqu'il est écrit en « il » pour trois points de vue parallèles coexistant, dans des styles distincts, personnalisés par une police en gras, en italique ou ordinaire, qui constituent une sorte de dialogue artificiel sans interactions croisées entre les trois narrateurs et accordent à l'auteur une grande liberté de ton, une certaine fantaisie même. Par choix, il a exclu tout dialogue entre les personnages tout au long des neuf textes précédant la rencontre d'Alain et de Sandrine, le personnage principal du blog 2021/2022 composé de six textes outre le prologue.


À partir de la rencontre de Sandrine et d'Alain hors les murs du lycée, la dynamique change. Au départ d'un vol supposé de sa carte d'identité, on découvre que Sandrine, en manque de père, est à la recherche de son identité, elle aussi.


Le blog 2022/2023 se centre sur Lorelyne, la pionne, un personnage haut en couleur au fil des « Sept péchés capitaux » qui est évidemment en relation avec Alain, le psy et Sandrine, la prof de gym. Noël est déjà un personnage important qui est venu en aide à Sandrine et est appelé à l'aide pour Lorelyne ; c'est le sauveteur de service. Nous le découvrons davantage lors du blog d'écriture 2023/2024.


Je me propose donc de poursuivre l'écriture autour de ces 4 personnages au cours du blog 2024/2025 et il m'est impossible à l'heure actuelle de déterminer s'il s'agira de textes mosaïques qui viendront ou non s'intercaler dans l'ensemble existant.


Il doit vous sembler évident maintenant que mon propos n'est pas de raconter une expédition dans l'Everest, que ce projet n'est qu'un prétexte à questionner la vie qui se vit et qui se questionne. Rien n'est moins certain que la découverte de liens de sang entre les sosies, frères de sang et non par le sang.


Il est possible que Alain redevienne le personnage « analysé » qui me permette de valider le titre « Histoire baroque à trois mains » pour ne pas dire à trois voix.

Vous me pardonnerez donc de n'avoir pas suivi la consigne de proposer la fiche du personnage. Si cela se révèle utile pour la compréhension, je présenterai une fiche pour les sosies avec leurs ressemblances et leurs différences, et peut-être aussi pour les filles, Sandrine et Lorelyne. Mais, à priori, c'est surtout pour moi que ce travail est essentiel. (729)

 

Histoire baroque à trois mains


« Le miroir demeurera toujours hanté par ce qui ne s'y trouve pas. » Sandrine Melchior-Bonnet


Prologue : 698 mots


Les miroirs jumeaux


Comme vous le savez, Noël, en visite de service chez Alain s'est trouvé dans son hall face à un miroir sur pied, une psyché. Ils sont restés muets d'étonnement en se découvrant semblables, non plus face à face mais côte à côte. Un silence parlant. Plus tard, après une nuit où les quatz'amis avaient été forcés de dormir dans l'appartement du Montois vu leur état d'ébriété, Noël avait été légèrement balafré dans un faux mouvement d'Alain occupé à se raser face à l'évier à deux vasques. Une maladresse probablement causée par une confusion devant la glace. Ou une vision obscure malgré les appliques lumineuses. Un cri avait à peine surpris le silence qui absorbait le demi-sommeil migraineux des filles encore englouties sous la couette, dans la chambre qu'Alain et Noël, toujours galants et élégants, leur avait laissée.


Aujourd'hui, deux miroirs rectangulaires supplémentaires sont apparus dans l'appartement. Alain les a placés dans un couloir de manière à ce qu'il puisse se voir de face et aussi de derrière, comme s'il avait des yeux incrustés dans le crane. Parfois aussi, il tente l'impossible et louche pour essayer de saisir ses deux profils en même temps. Ces jeux de miroirs enfantins, lorsqu'on présente son reflet au bébé dans les glaces des portes de l'armoire à pharmacie, à l'âge où il en est encore à se découvrir comme une petite personne à part entière, Alain s'en amuse encore. Ou s'en effraie. Ainsi, il s'est senti pris de panique le jour où, en visite au musée des Arts contemporains du Grand-Hornu, il s'est trouvé enfermé dans les toilettes, incapable d'ouvrir la porte. L'évier, le WC, le porte-rouleau, la poubelle, lui-même, tout était répliqué autant de fois qu'il y avait de miroirs. Ils tapissaient l'habitacle d'une superficie aussi importante que celui d'une fusée spatiale. A contrario, ce lieu d'aisance provoquait à coup sûr une sorte de malaise.


Tel celui d'un aveugle parmi une assemblée de sourds-muets, ses appels à l'aide restaient inaudibles dans le brouhaha de la salle où les visiteurs partageaient l'apéro offert. Il flippait et laissait son imagination envahir sa raison. Il se voyait, alors qu'il restait immobile, occupé à occulter les murs de glaces avec les rouleaux de papier hygiénique et, malgré l'absence sensible de points de fixation, il tendait des guirlandes et lançait des serpentins pour une fête schizophrénique. De tels épisodes de pensées délirantes ne survenaient chez Alain que dans des situations très spéciales et rares. Dès que Noël, venu aux nouvelles, lui adressa la parole derrière la cloison, cette vision démente cessa immédiatement. Il retrouva tout son discernement.


Tout cela n'est plus qu'un souvenir dont il rit volontiers. C'est en découvrant ces deux miroirs jumeaux sur la brocante qu'il lui était revenu. Leur dorure sans fioritures, leur forme rectangulaire, leur taille raisonnable les faisaient paraître quelconques. Cela lui rappelait un agréable parcours nature sur lequel plusieurs hauts miroirs déformants avaient été installés pour surprendre et amuser les participants.


Donc, ces miroirs, il les lui avait fallu à tout prix. D'autant qu'il avait entendu une conférence sur le web à propos d'Albert Einstein qui, semblait-il, avait surtout fait des recherches empiriques qui l'avaient mené ensuite à l'excellence scientifique. Ainsi donc, ses miroirs devaient aussi accessoirement amener Alain à des expériences factuelles et ponctuelles sur la loi de la relativité, qui abouti au concept de « paradoxe des jumeaux » en relativité restreinte. Certaines expériences vécues, par exemple cette chute dans l'escalier du restaurant du Château blanc qui semblait hors du temps et de l'espace, n'avaient pas livré la clé du mystère. Pas plus d'ailleurs que les mandalas dessinés par les amis sosies lors de leur voyage en duo chez les moines tibétains et leurs recherches dérivées sur leurs origines et l'hérédité.


(En gras, ce pourrait être le point de vue de l'auteur, en italique celui de la psy consultée par Alain et en police normale, celui d'Alain lui-même. Cela demandera un re travail important car je me demande aussi s'il ne serait pas bienvenu de laisser Alain parler en « je » pour rendre le texte plus vivant. Vais-je garder cette écriture en il et m'abstenir de dialogue comme dans le tout premier blog ou pas?)

Texte 1 : 684 mots


Dans sa coquille


C'est le temps de l'amour

C'est long et c'est court

Ça dure toujours

On s'en souvient1


Douze heure d'accouplement, je te tiens, tu me tiens, et nous sommes féconds sans distinctions. Ils sortent volontiers par temps de pluie, se contentent de flaques d'eau à mode de miroirs. Avec un seul pied, ils peuvent difficilement faire des claquettes en chantant « I'm siging in the rain ».


Chez les humains, on ne compte pas les semaines, les mois de préambules oratoires et de préliminaires charnels pour parvenir à comptabiliser douze heures d'étreinte dans un couple.


Faut-il envier les escargots, ces champions de l'évolution naturelle ?

Ils sont végétariens au grand dam des cultivateurs mais ne constituent aucun risque de pollution. Ils ne sont guère belliqueux mais se protègent en produisant un mucus épais par leur orifice pulmonaire dorsal et, en cas d'extrême danger, ils font des bulles, ce qui doit être extrêmement impressionnant. Ils disposent d'un œil au bout de chacune des deux grandes tentacules rétractiles avec quoi ils cumulent la vision et la détection des odeurs ; quant à leurs paires de petites cornes, elles leur servent d'organe du toucher. Ils bavent par le pied, boivent par la peau, pondent par la tête. Ils ont quatre lèvres autour de la bouche, une seule narine et plus de quinze mille dents. Ils n'ont ni poils, ni plumes, ni écailles mais ils secrètent leur maison, une coquille dont ils scellent l'ouverture par un bouchon calcaire à l'approche de l'hiver. C'est un animal à sang froid qui hiberne ou estive au besoin. Pas de loyer, pas de prêt hypothécaire, pas de chauffage ! Comme c'est pratique.


Alain se dit que nous aurions beaucoup à apprendre des escargots et que la citation d’Einstein est très juste : « Il n'y a que deux façon de vivre sa vie : penser que rien n'est un miracle ou penser que tout est un miracle. »


C'est le printemps, Alain se sent proche de la nature, disponible, prompt à l'émerveillement et cette petite balade l'a mis en position d'observer deux parfaits hermaphrodites qui réunissent des contraires et font disparaître toute dualité.

Rassurez-vous, Alain n'a pas constaté de visu la durée de la fécondation croisée. Il a poursuivi son chemin en songeant qu'il vaut mieux choisir un rythme de vie ralenti, à l'instar de ces mollusques gastéropodes, plutôt que de se précipiter vers sa (la) destination finale.


Cette journée a bien commencé pourtant mais une enveloppe à en-tête de la Province du Hainaut l'attend dans sa boite aux lettres. Il est monté à l'appartement et une fois dans le hall, il l'a décachetée et a parcouru le courrier. Son miroir a lu son regard qui de l'étonnement est passé à l'inquiétude.


Quoi, une augmentation de salaire ? Non pas ! On applique le barème, un point c'est tout ! L'information chiffrée me parvient au bureau. Ici, c'est une convocation à la direction ! D'ordinaire, le téléphone ou le mail suffisent. Je ne peux pas prendre ceci à la légère. Que se passe-t-il ? S'agit-il d'un avertissement avant préavis ? Pour quelle raison ? Je crois remplir ma charge avec le plus grand sérieux. Quelque chose m'échappe. Soit, je ne suis pas infaillible. Mais récemment, je ne vois rien qui justifie un rappel à l'ordre.


Voilà de quoi déstabiliser mon client : il rentrerait bien dans sa coquille et n'en sortirait pas de si tôt.


Eh, toi, mon miroir de face, qu'as-tu à me dire ? Ne me regarde pas de travers ! N'as-tu pas gardé la mémoire de mes masques au jour le jour, des émotions qu'ils trahissent ? Tu dis que je fais erreur, qu'il n'y a pas si longtemps que tu partages ma vie, que je dois plutôt interroger ma psyché reléguée dans ma chambre. Et toi, miroir jumeau, à qui je tourne le dos, qu'as-tu à dire ? Qu'il s'agit peut être d'un retour de bâton d'une affaire ancienne ou d'une de ces récurrences qui surviennent dans de nombreuses vies, ces sortes de karma dans lesquelles les humains s'emprisonnent et ne savent comment s'en dépêtrer.

Texte 2 : 681 mots


La salle d'attente


Zut ! Une mère et son fils occupent la salle d'attente. D'habitude, elle est vide et on n'y croise jamais personne. C'est bien ma veine. Je suis arrivé en avance avec l'idée de préparer ce que j'aurai à dire à ma psy. J'ai besoin de me concentrer, d'y voir plus clair. Besoin de silence, de calme, de solitude.


-Monsieur Brunin, excusez-moi mais je dois vous laisser en compagnie de ce jeune garçon. Il est nécessaire que je rencontre d'abord sa maman seule et ensuite je ferai entrer son fils.

-Renaud, installe-toi sur ce banc d'écolier prévu pour les enfants. Lis ton livre et tiens-toi tranquille !


J'espère qu'elles savent ce qu'elles font. On n'est pas sérieux à huit ou neuf ans. J'imagine qu'il y a une caméra de surveillance au cas où...


La petite tête blonde me regarde en coin de son œil d'azur ébloui de soleil. Je fais de même et change d'orientation quand il me voit. Il se penche sur son livre, examine d'abord les quelques dessins, commence à chuchoter quelques phrases.


-Dis, monsieur, comment tu t'appelles ?

-Alain, je m'appelle Alain. Et toi ?

-Renaud, je m'appelle Renaud. Qu'est-ce que tu feras si je te demande : Dessine-moi un mouton ! 

-Je te répondrai que je n'ai ni papier, ni crayons de couleur.

-Mauvaise réponse, Alain !

-Tu veux que je te dise : on ne dessine un mouton que si l'on se trouve devant un petit prince.

-Et pourquoi pas si c'est Renaud qui te le demande ? Déjà bien que tu n'as pas dit que tu n'as pas le temps.

-Si je comprends bien, Renaud, tu as décidé de me faire passer un test.

C'est un peu fort ça. D'habitude, c'est moi qui fais passer les tests d'intelligence aux élèves de secondaires. Et voilà un enfant de primaire qui me fait subir un test de personnalité. Il cherche à savoir si tout au fond de moi subsiste une âme d'enfant sous les décombres de mes fondations d'adulte.


-Alain, quel personnage serais-tu si tu avais dû fuir ton amour et ton astéroïde, quel serait ton métier ? Aurais-tu un ami ? Serait-il le serpent ou le renard ? Ou un de ces hommes sérieux qui ne s'occupent que d'eux-mêmes et qui s'ennuient à mourir ?

-Eh bien, Renaud, je croyais que tu ouvrais ce livre pour la première fois... mais tu sembles le connaître comme le fond de ta poche.

La porte du cabinet de consultation s'ouvre, la maman de Renaud me demande si son fils ne m'a pas dérangée.

-Au contraire, madame ! Il y a longtemps que je n'ai pas eu un tel interlocuteur. Au revoir madame, au revoir Renaud !

-Au revoir Alain ! Pense à moi quand tu verras un coucher de soleil !



Alain entre à son tour dans le cabinet après y avoir été invité.


-Bonjour Monsieur Brunin ! Je vous écoute.

-Bonjour Madame ! Excusez-moi ! Je suis encore tout chahuté, retourné de fond en comble. J'avais prévu de vous dire bien des choses mais les paradigmes ont bougé même si les circonstances sont inchangées.

-Mais encore...

-J'étais amer, inquiet, à fond de cale. Je me sentais au bord du gouffre, au bout du rouleau, au fond du trou.

-Vous aviez touché le fond.

-Oui, et j'ai l'impression d'avoir enfilé des ailes. Ce qui me semblait gravissime comme ce courrier recommandé qui m'a été envoyé par mon employeur, la Province de Hainaut, ne me paraît plus un problème insurmontable. Qu'est-ce qui a changé ?

-Mon point de vue. Je suis convoqué pour l'instant, et pas révoqué.

-Et ?

-Ce gamin qui attendait sa mère avec son « Petit Prince » m'a fait souvenir que les apparences peuvent être trompeuses, qu'il faut retrouver son cœur d'enfant pour aller à l'essentiel. Ce n'est peut-être pas là le fond du problème mais je l'aborde avec davantage de confiance en moi.

-L'essentiel, dites-vous...

-C'est que je puisse être en accord avec moi-même et me regarder bien en face dans mon miroir, chaque jour, sans avoir à baisser les yeux.

Texte 3 : 734 mots


Tempête en tête


Tout le long du chemin du retour, Alain avait l'esprit en ébullition. Il voyait les choses et les gens avec un regard différent.


Je regardais vraiment au lieu de juste voir un spectacle de la vie sans couleurs auquel j'étais indifférent, tout tourné vers moi-même que j'étais, tout obsédé par l'avenir que ce courrier me refuserait au moins tant que le rendez-vous n'avait pas eu lieu.


Lorsqu'il aurait ouvert la porte, de son appart, je savais qu'il allait s'immobiliser devant son miroir, lui tenir tête, lui vomir son histoire, sa blessure d'abandon de la part d'un père inconnu, fantomatique.


Au fait, c'est quoi la part du père que j'ai en moi ? À quoi pourrais-je la reconnaître, cette part de gênes que je porte à mon insu ? Est-ce que mes yeux sont ses yeux ? Les siens, la même couleur, la même profondeur ? La même perspicacité, ou la même cécité face aux dénis si confortables en comparaison des réalités, des vérités ? Déduction faite, bien à propos, ou pas, puisqu'ils n'ont rien de ceux de ma mère ! Est-ce qu'il avait cette même manie de lisser sa barbe et sa moustache ? Ou bien était-il imberbe ?


J'allais devoir m'apaiser. Alors j'ai cherché et retrouvé un « simili-album » du Petit Prince, relégué dans un coin de ma bibliothèque. Malgré l'absence de cohérence de lieu et de temps, et sa structure décousue, j'y ai adhéré comme au temps de ma jeunesse. Puis, j'ai éprouvé le besoin de rechercher des infos sur son auteur, Saint-Exupéry, de découvrir la Citadelle et sa philosophie.


L'auteur est plus que jamais d'actualité quand il écrit que les chefs ont laissé la place aux gestionnaires et qu'il faut se méfier de l'intelligence car la vie n'obéit pas à la logique. L'avenir ne se calcule pas, il se crée.


Einstein, lui, disait que « Nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avons utilisée lorsque nous les avons créés ».


Les guerres sont la volonté de quelques-uns de réduire l'homme à un « être de masse » manipulable à souhait. Qu'est-ce d'autre qu'un corps d'armée à qui, pour faire la guerre, on impose d'obéir et dont on empêche les soldats d'être des créateurs ?


L'homme véritablement créateur est celui capable de créer un dieu nous dit Antoine de Saint-Exupéry.


Le dieu, c'est ce qui nous dépasse et qui fait que nous tendons à nous dépasser. Trouver le but de notre existence fait de nous des dieux en puissance.


Alors que j'ai habituellement une vision sceptique, je ne sais pourquoi, j'observe que les philosophies des hommes que j'étudiais dernièrement convergent. Quand je citais Albert Einstein dont les inventions ont mené à la bombe atomique, il n'a pu mesurer son pouvoir de destruction qu'après coup et n'a pu empêcher son utilisation à mauvais escient. D'ailleurs, les citations que l'on met en exergue à son propos sont pacifiques, sensibles et pleine de bon sens. Ainsi on lui attribue la phrase suivante qui devrait être le but primordial de l'existence de l'humanité : Le mot « progrès » n'aura aucun sens tant qu'il y aura des enfants malheureux.


Et comment pourrait-il encore y avoir des enfants heureux alors que nous nous acharnons à continuer à accepter l'extermination massive des insectes qui sont la nourriture des autres familles animales, et l'usage caché des pesticides qui détruisent ainsi la chaîne alimentaire et se retrouvent jusque dans le cordon ombilical de nos enfants.


Les pesticides conçus pour tuer les organismes nuisibles mènent à l'extinction annoncée des abeilles pollinisatrices, ce qui conduit à un appauvrissement de la production de fruits et légumes, etc. Ils seraient causes de nombreuses maladies neurologiques et cancéreuses. Ils mènent doucement mais sûrement, on le constate déjà, à l'infertilité masculine. Non seulement il n'y aura bientôt plus d'enfants malheureux mais il n'y aura plus d'enfants du tout.


À ceux qui rétorqueraient que l'on voit de moins en moins d'épandage sur les cultures, il faudra leur dire que les graines sont enrobées de pesticides, que les semences font l'objet de brevets limitant la possibilité de tout un chacun de cultiver naturellement son jardin.


Comment appeler un génocide qui s'étend à la terre entière ? Une décimation ? Une extinction ?

Tous responsables, tous myopes, tous aphones, tous atones, tous.dévitalisés, tous impuissants,...

Même moi ! Alors comment oser se regarder dans le miroir sans baisser les yeux.



Texte 4 : 691 mots


Dérapages


Alain nettoie son miroir comme on efface le tableau en classe. Ça laisse des traces...


Effacée cette blessure ?

Celle que j'ai infligée involontairement à un compagnon de classe ? Sa tête se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment.


Effacée, la peur du sang ?

Je m'étais senti injustement accusé par l'instituteur.


Effacées, la colère et la honte ?

Nous jouions à lancer des cailloux pour faire choir le marron encore niché dans sa bogue. J'avais cru faire mieux en jetant une demi-brique qui traînait là.


Effacée, cette autre culpabilité ?

Alors que je m'engageais dans un terrain vague cherchant l'aventure, je chassai un garçonnet en lui jetant des cailloux à distance mesurée, croyais-je, jusqu'à ce que l'un deux l'atteigne au genou. J'avais bien dû admettre en mon for intérieur que je n'étais pas si innocent que cela car, en réduisant l'espace entre la cible et le projectile, il s'agissait avant tout d'obtenir le résultat escompté. Qu'il me lâche une bonne fois pour toutes ! Et puis, encore la honte, quand les parents sont venus montrer la victime et se plaindre à ma mère !


Plus tard, y avait-il eu d'autres dérapages ?

Au cours de ma carrière, l'épisode que j'ai déjà relaté en séance où une vidéo me montrait avec Martine, l'infirmière, en position délicate. Ma mauvaise foi et ma honte !

Ma légèreté, lorsque j'ai minimisé le problème de harcèlement d'un étudiant qui s'était vengé en faisant circuler cette vidéo. Peut-être que la direction, elle, n'a pas effacé l'ardoise...


Ce n'est pas malin. Le rendez-vous à la direction est reporté du fait que j'ai remis un certificat d'incapacité de travail d'une semaine. Pourvu que ce ne soit pas considéré comme un aveu de culpabilité. J'ai coupé mon GSM. Noël, Sandrine et Lorelyne sont sans nouvelles de moi. Je me prive de leur soutien. J'ai laissé le centre psycho-médico-social aux mains de l'assistant social avec pour consigne d'éviter de m'appeler.

Souvent, m'a-t-il dit, nos vies s'échafaudent sur le même thème ; un peu comme si l'instituteur nous renvoyait sans cesse au même devoir, avec la mention « à refaire », jusqu'à la perfection. Nous nous entêtons dans la même démarche, dans les mêmes erreurs. Nous avons pourtant la capacité d'inventer un nouveau cheminement de notre pensée au service de l'intelligence du cœur.



Je soliloque maintenant devant mon miroir. Paradoxalement inspiré par la Ballade des pendus de François Villon, je tente une invitation au bonheur que j'adresse à mes frères humains. Bien entendu, c'est surtout moi que je veux convaincre.


    Frères humains,

    C'est ma permission, sortez de votre torpeur

    C'est votre mission, recherchez le bonheur

    Votre droit, votre devoir et tous pouvoirs.

    Frères humains,

    De vous, rien ne m'étonne, tout me surprend.

    Votre intransigeance, je l'aime et la redoute

    Votre violence vous isole, j'en ai peur et je l'aime.


    Frères humains,

    Vouloir être unique vous anime, vous vide,

    Vous remplit, vous grandit,vous démesure,

    Vous donne toute votre mesure.

    Refusez le mirage du bonheur éternel !

    Son immobilisme est sa mort même.

    Frères humains

    Ces instants privilégiés Insaisissables

    Mobilisent votre énergie, décuplent vos forces,

    Votre désir de vivre impérissable.

    Frères humains

    Notre sort commun se nomme solitude

    Nos différences, loin d'être un frein

    À la communication en sont le véhicule.


    Frères humains

    Que de nos solitudes juxtaposées

    Jaillisse pour un instant la certitude

    d'être reconnus, pleinement aimés

    Acceptés dans nos émotions authentiques.

    Frères humains

    La vie, un terrible accouchement de soi-même 

    En finissons-nous de couper le cordon ombilical

    À la poursuite de la liberté, de l'indépendance

    De la pierre philosophale à la pierre tombale

    Frères humains

    Pourchassons sans fin les fées de l'enfance,

    Bonnes ou mauvaises, elles ne sont qu'illusions

    Où se combattent les esprits de destruction

    Et la force tranquille de l'amour universel.


    Frères humains

        Si vous le voulez bien, offrez

       La gentillesse non comme un poids

      Ou une obligation. Faites ce choix !

     Son absence nous meurtrit.Osez !


Tetxe 5 :720 mots


Un tout petit rien, un incident, une bêtise...


Pour la première fois de sa vie, Alain lit un manga, à la base une bande dessinée en noir et blanc dont le style a été développé au Japon. Il fait office d'exutoire.


Ici, il s'agit d'une traduction du chinois traditionnel dans le cadre d'un travail de fin d'études en traduction à l'UMONS de 2022-2023 dont le titre est « Le concerto funéraire » (213 pages ou planches) de Rimui Yumin.


Il lui a été prêté par Gilbert, l'assistant social, juste avant l'incapacité de travail qui a suivi la réception du recommandé, peut-être dans l'optique de l'encourager à faire son deuil de « quelque chose » mais quoi ?


En fait, si le noir des images est bien noir, le blanc, les blancs ne sont pas vides de sens. Les symboles et onomatopées, d'ailleurs plus diversifiées en japonais que dans notre culture, ont parfaitement leur place.Tout est fait pour concentrer l'attention du lecteur sur le texte, les personnages et leurs émotions face à certains tabous. La mort n'y échappe pas. Il existe aussi une dimension spirituelle : le thème de la vie éternelle est au cœur du manga. Finalement, tout ça n'est peut-être pas si éloigné du mantra, du mandala, toutes ces symboliques et pratiques du bouddhisme.


Cette lecture est un exercice utile pour Alain qui se veut apte à changer de point de vue. Lui qui est habitué à lire de gauche à droite se voit obligé de commencer le livre par la fin et de décrypter les bulles de droite à gauche et de haut en bas, ce qui peut entraîner parfois une certaine confusion suivant l'ordre des images.


Demain, il reprend le travail et, pour rendre le manga à Gilbert, il veut le terminer au plus vite.


Même si les mangas sont censés avoir un effet rassurant auprès de la jeunesse, il faudra autre chose à Alain pour empêcher la nouvelle montée d'angoisse qui l'étreint à l'idée de l'entretien prévu dans l'après-midi à la direction.

En soirée, oublieux des techniques de relaxation qu'il connaît cependant,.il avale un anxiolytique Puis il se met au lit pour lire,.éclairé par son lampadaire muni d'une liseuse. Il faudra, songe-t-il, qu'il le remplace par un lampadaire à leds plus économiques et écologiques que les ampoules halogènes.

Alain a vérifié le chargement, mis son smartphone en mode avion, enclenché la fonction sonnerie pour six heures et l'a débranché négligemment sans enlever le chargeur.de la prise. Au bout de vingt minutes à peine, il s'est endormi. Soumise à la chaleur de la liseuse pendant quelques heures, la batterie a surchauffé et mis le feu à la couverture du manga malencontreusement posé dessus. Mu par l'instinct de survie, Alain a suffoqué, s'est levé à la lueur du début d'incendie abolissant l'obscurité, a toussé, a ouvert la fenêtre, s'est emparé d'une serviette épaisse sur laquelle il a déversé la bouteille d'eau qu'il met à sa disposition chaque soir au pied du lit afin de se désaltérer si nécessaire et avec laquelle il a étouffé les flammes du livre et a ensuite saisi la batterie brûlante et fondante afin d'éviter une probable éventuelle propagation.

L'installation électrique du bâtiment à appartements s'est mise en court-circuit.

Les locataires en vêtements de nuit sont sortis un à un de leur appartement pour s'inquiéter de l'absence de lumière. Le voisin de palier a allumé la torche de son téléphone portable. D'autres l'ont imité pour atteindre le disjoncteur et les différentiels afin de remettre le circuit en fonction. Alain, après une courte période d'hyperactivité salutaire, en état de choc, croyait voir déambuler un cortège de zombies dans les escaliers.


Encore heureux que l'on n'ait pas eu besoin d'appeler les pompiers, se félicita Alain au moment de raconter l'accident domestique à l'équipe du Centre psycho-médico-social pour justifier son retard et sa tête d’ectoplasme.


Mais à part ça, tout va très bien, cher Gilbert, (pourtant, il faut, il faut que je vous dise, je déplore un tout petit rien, un incident, une bêtise,...tout va très bien). Mais non, Gilbert, je suis honteux et confus de ne pouvoir te remettre ton manga dans le parfait état où il était. Je te présente mes humbles excuses. Peux-tu les accepter et me rejoindre dans mon bureau pour un entretien en privé à propos ma convocation de cet après-midi ?

Texte 6 : 712 mots


Un ami, un livre et un miroir (ou Profil bas)


-Cher Gilbert, je t'avais confié provisoirement la responsabilité du service lors de mon départ en congé de maladie. Est-ce que ça s'est bien passé ?

- Dans l'ensemble, oui ! Je me suis tout de même rendu compte qu'il n'est pas facile de gérer un groupe, si petit soit-il. Pas facile de débusquer les non-dits. Pas facile de faire taire cette satanée secrétaire.

- Comme tu le sais, autrefois, Solange a été ma maîtresse et j'ai été soulagé quand j'ai enfin pris la décision de rompre. Elle peut souffler le chaud et le froid et, en l'espace d'une heure, te faire vivre un véritable ascenseur émotionnel. Tantôt elle me portait aux nues, tantôt elle me dénigrait ou m'opposait un silence tonitruant. Elle a l'art de mettre le doigt là où ça fait mal. Et puis, elle n'a pas sa langue en poche. Tout ça est aiguisé comme un poignard planté dans une plaie béante.

-En ton absence, Martine en a fait les frais. Elle est plutôt bonne fille, elle s'en prend toujours plein la figure. Elle qui n'aime pas voir le sang couler. À se demander comment elle a choisi de devenir infirmière. C'est évidemment une métaphore.

-Une victime née. Tantôt sauveuse, tantôt victime. Me voilà à nouveau pris au piège du jugement d'autrui !

-C'est humain. On voit toujours mieux la paille... plutôt que la poutre...

-Comme si je n'en n'avais pas assez pour ma pomme. D’ailleurs, toute cette semaine, je suis resté à ruminer, cloîtré chez moi. Dis-moi, Gilbert, la dernière fois que nous nous sommes vus ici-même, j'ai eu le sentiment que, loin de me comprendre, tu me faisais la morale. Ne disais-tu pas qu'au cours de tes études tu avais appris à écouter ?

-Je suis désolé, Alain. Mais, si j'affirmais quoi que ce soit, c'était moi aussi que je voulais encourager à prendre un autre point de vue, à me dépasser, à croire en moi. J'ai toujours besoin de réaffirmer ma foi en l'homme pour m'en convaincre.

-J'admets qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous nous voulons humanistes, nous voulons guider les autres et nous sommes juste des apprentis sorciers.

-Quelles que soient nos connaissances en matière de psychologie, ça reste un acquis intellectuel avant d'être une expérimentation intégrée.

-Mon miroir pourrait t'en dire plus que moi. Sur moi. Pour parler d'autre chose, dis-moi, où est-ce que je peux me procurer le manga que je te dois ? Celui-là ou un autre. C'est comme tu veux.

-Tu me rembourseras le prochain que j'achèterai. Ne te dérange pas ; il y a plus pressé. Venons-en à cette convocation qui semble te stresser outre mesure !

-Je n'osais pas y venir.

-En retrouvant un petit livret dans ma bibliothèque, j'ai pensé que tu pourrais souhaiter y jeter un œil. Le voici ! Il a pour titre « L'épuisement » de Guillaume Wattier. Sa préface est de Bernard Fourez, psychiatre systémicien.

-Pourquoi pas, mais es-tu en train de me dire que je suis sur la pente du burn-out ?

-Je ne sais pas mais ça vaut peut-être le coup d'y réfléchir. L'auteur y indique quelques pistes pour en sortir. Il s'agit d'un petit ouvrage de vulgarisation très bien fait et, vu tes capacités et tes connaissances, tu trouveras très vite les solutions qui te conviennent.

-Tu as probablement raison et je te remercie de l'intérêt que tu me portes.

-Si tu veux, en complément, j'ai aussi un livre de Jacques Salomé et Sylvie Galland : « Si je m'écoutais... Je m'entendrais ». Il fait un peu moins de 350 pages et de temps en temps, j'en relis quelques passages et j'y trouve souvent des réponses à mes questions.

-Je dois bien admettre que je panique de manière incompréhensible depuis cette convocation. Je n'ose même pas en parler à ma psy. Pourtant lors de ma dernière consultation, j'étais sorti confiant, presque euphorique, surtout grâce à une petite conversation révélatrice avec un jeune lecteur du Petit Prince. Cette instabilité émotionnelle est loin d'être une constante chez moi.

-Alors, c'est vendu ? Je te passe les livres. Mais surtout, n'oublie pas de reprendre contact avec tes amis. Je peux te dire que tu leur as manqué, et à moi aussi.



Texte 7 : 750 mots


Tête haute


-Bonjour monsieur Brunin, entrez, je vous prie !

-Monsieur le Directeur ! Bonjour et désolé que vous ayez dû déplacer notre rendez-vous suite à une défaillance de ma part.

-Ne soyez pas désolé, la rareté de nos rencontres en fait une parenthèse isolée et inquiétante alors que je suis persuadé que nos échanges s'ils étaient renouvelés régulièrement n'en seraient que plus bénéfiques et productifs.

-Votre opinion m'honore. Croyez bien que je suis tout disposé à en faire la preuve si vous voulez bien m'instruire de votre requête.

-Dans ce lycée, comme partout ailleurs, notre jeunesse a fort à faire pour maintenir la tête hors de l'eau. Les problèmes d'absentéisme, de décrochage scolaire, drogue, dépression, harcèlement, identité de genre, violences physiques, psychologiques et sexuelles sont légions. Vous êtes bien placé pour le savoir, vous qui recevez nos étudiants dans le cadre des tests psychologiques. Pouvez-vous me dire si notre centre PMS possède les « outils » nécessaires pour répondre à ces problématiques ?

-Certes, notre centre fait de son mieux et nous communiquons et échangeons en fonction des spécificités conférées à chacun de nos rôles. Cependant, la charge administrative est fort lourde et notre présence sur le terrain est insuffisante. Heureusement, des liens se créent entre notre équipe et certains professeurs, surveillants scolaires et élèves. Des informations utiles remontent jusqu'à nous et Gilbert, notre assistant social, est un collaborateur efficace et consciencieux.

-Pensez-vous avoir besoin d'être davantage soutenu ?

-Un jour par semaine, nous disposons de deux stagiaires assistants sociaux de la Haute École en Hainaut, bacheliers des Sciences sociales. Gilbert est chef de stage pour l'une et je le suis pour l'autre, ce qui réclame également un certain suivi de notre part. C'est un métier en pénurie, faut-il le rappeler ?

-J'ai ouï dire, est-ce par hasard, qu'il y avait un problème de cohésion dans l'équipe...

-En effet, certains d'entre nous ont subi des avanies. Nous avons vécu une période de turbulences. Des bruits ont couru n'offrant aucun droit de réponse puisque les personnes incriminées n'en ont pas été ouvertement informées.

-C'est bien regrettable.

tout le moins, Monsieur le Directeur, vous en conviendrez, ce procédé est l'apanage de personnes dont les opinions ne sont pas susceptibles de changer d'un iota. Elles sont persuadées d'être dans leur droit. Et je soupçonne même qu'elles se considèrent comme des victimes. Toute justification ferait l'objet d'une interprétation défavorable. Dés lors, on ne peut qu'opposer le silence aux rumeurs afin de ne pas prendre le risque d'alimenter une campagne de dénigrement.

-Le silence est d'or et la parole, d'argent. Diriez-vous, monsieur Brunin, que l'équipe a été l'objet d'une cabale ?

-Ou bien, d'une forme d'omerta ? C'est possible. Sans doute usons-nous des mêmes armes. Personne n'est à l'abri d'une erreur, d'une confusion.

-Que l'on jette une sourde opprobre sur certains et que cela pèse et perturbe chacun, je n'en doute pas.

- Il faut rester vigilant car ces formes invisibles de harcèlement progressent dans tous les niveaux de la population. Aussi bien sur les réseaux sociaux que nos jeunes étudiants fréquentent massivement et assidûment que dans la réalité quotidienne des adultes, enseignants, parents... Enfin, le commun des mortels...

-Que proposez-vous ?

-Peut-être aurions-nous intérêt à ne pas cibler les cas particuliers mais, au contraire, d'étudier une politique d'ouverture progressiste pour l'ensemble des intervenants. Une campagne d'information, le contraire d'une campagne de dénigrement, pour rendre visible et audible ce qui ne l'est pas encore.

-Comment pensez-vous réinstaller de la cohésion dans le groupe dont vous êtes le chef ?

-Rassurez-vous, Monsieur le Directeur ! Tout cela a été mis à plat. En ce qui me concerne, je n'ai eu de cesse que tout rentre dans l'ordre tant il m'importe de pouvoir garder la tête haute face à mon miroir quand je passe la porte de mon appartement. Sans cela, je ne puis me détendre.

-Comme je vous comprends ! J'aimerais voir évoluer votre projet et je souhaite que vous me passiez un coup de fil d'ici quatre à six semaines afin que nous en discutions.


De retour au centre PMS, Alain, tout sourire, est accueilli chaleureusement par ses collègues. Il n'en revient pas. Tant de stress pour finalement passer un « test » remporté haut la main, hauts les cœurs ! Eux non plus n'en reviennent pas : quel bon vent, quel bon flair a incité le dirlo à s'intéresser de si près aux affaires du service, aux préoccupations professionnelles. On dirait un grand vent de renouveau. C'est le printemps, n'est-il pas ?

1Chanson de Françoise Hardy

samedi 19 avril 2025

Blog 2024-2025, texte 7

 

Texte 7 (747 mots)

Couleur : noir : aspect positif : rigueur, sérieux, dignité, intégrité, puissance

Consigne : apaisement d'Alain, il se réconcilie avec lui-même et avec la vie


-Bonjour monsieur Brunin, entrez, je vous prie !

-Monsieur le Directeur ! Bonjour et désolé que vous ayez dû déplacer notre rendez-vous suite à une défaillance de ma part.

-Ne soyez pas désolé, la rareté de nos rencontres en fait une parenthèse isolée et inquiétante alors que je suis persuadé que nos échanges s'ils étaient renouvelés régulièrement n'en seraient que plus bénéfiques et productifs.

-Votre opinion m'honore. Croyez bien que je suis tout disposé à en faire la preuve si vous voulez bien m'instruire de votre requête.

-Dans ce lycée, comme partout ailleurs, notre jeunesse a fort à faire pour maintenir la tête hors de l'eau. Les problèmes d'absentéisme, de décrochage scolaire, drogue, dépression, harcèlement, identité de genre, violences physiques, psychologiques et sexuelles sont légion. Vous êtes bien placé pour le savoir, vous qui recevez nos étudiants dans le cadre des tests psychologiques. Pouvez-vous me dire si notre centre PMS possède les « outils » nécessaires pour répondre à ces problématiques ?

-Certes, notre centre fait de son mieux et nous communiquons et échangeons en fonction des spécificités conférées à chacun de nos rôles. Cependant, la charge administrative est fort lourde et notre présence sur le terrain est insuffisante. Heureusement, des liens se créent entre notre équipe et certains professeurs, surveillants scolaires et élèves. Des informations utiles remontent jusqu'à nous et Gilbert, notre assistant social, est un collaborateur efficace et consciencieux.

-Pensez-vous avoir besoin d'être davantage soutenu ?

-Un jour par semaine, nous disposons de deux stagiaires assistants sociaux de la Haute École en Hainaut, bacheliers des Sciences sociales. Gilbert est chef de stage pour l'une et je le suis pour l'autre, ce qui suppose également un certain suivi de notre part. C'est un métier en pénurie, faut-il le rappeler ?

-J'ai ouï dire, est-ce par hasard, qu'il y avait un problème de cohésion dans l'équipe...

-En effet, certains d'entre nous ont subi des avanies. Nous avons vécu une période de turbulences. Des bruits ont couru n'offrant aucun droit de réponse puisque les personnes incriminées n'en ont pas été ouvertement informées.

-C'est bien regrettable.

tout le moins, Monsieur le Directeur, vous en conviendrez, ce procédé est l'apanage de personnes dont les opinions ne sont pas susceptibles de changer d'un iota. Elles sont persuadées d'être dans leur droit. Et je soupçonne même qu'elles se considèrent comme des victimes. Toute justification ferait l'objet d'une interprétation défavorable. Dés lors, on ne peut qu'opposer le silence au silence afin de ne pas prendre le risque d'alimenter une campagne de dénigrement.

-Le silence est d'or et la parole, d'argent. Diriez-vous, monsieur Brunin, que l'équipe a été l'objet d'une cabale ?

-Ou bien, d'une forme d'omerta ? C'est possible. Sans doute usons-nous des mêmes armes. Personne n'est à l'abri d'une erreur, d'une confusion.

-Que l'on jette une sourde opprobre sur certains et que cela pèse et perturbe chacun, je n'en doute pas.

- Il faut rester vigilant car ces formes invisibles de harcèlement progressent dans tous les niveaux de la population. Aussi bien sur les réseaux sociaux que nos jeunes étudiants fréquentent massivement et assidûment que dans la réalité quotidienne des adultes, enseignants, parents... Enfin, le commun des mortels...

-Que proposez-vous ?

-Peut-être aurions-nous intérêt à ne pas cibler les cas particuliers mais, au contraire, à étudier une politique d'ouverture progressiste pour l'ensemble des intervenants. Une campagne d'information, le contraire d'une campagne de dénigrement, pour rendre visible et audible ce qui ne l'est pas encore.

-Comment pensez-vous réinstaller de la cohésion dans le groupe dont vous êtes le chef ?

-Rassurez-vous, Monsieur le Directeur ! Tout cela a été mis à plat. En ce qui me concerne, je n'ai eu de cesse que tout rentre dans l'ordre tant il m'importe de pouvoir continuer à me regarder dans mon miroir quand je passe la porte de mon appartement. Sans cela, je ne puis me détendre.

-Comme je vous comprends ! J'aimerais voir évoluer votre projet et je souhaite que vous me passiez un coup de fil d'ici quatre à six semaines afin que nous en discutions.


De retour au centre PMS, Alain, tout sourire, est accueilli chaleureusement par ses collègues. Il n'en revient pas. Tant de stress pour finalement passer un « test » remporté haut la main, hauts les cœurs ! Eux non plus n'en reviennent pas : quel bon vent, quel bon flair a incité le dirlo à s'intéresser de si près aux affaires du service, aux préoccupations professionnelles. On dirait un grand vent de renouveau. C'est le printemps, n'est-il pas ?

samedi 5 avril 2025

Texte 6

 


Texte 6

(rouge, Alain va être soutenu par quelqu'un ou quelque chose (un livre ou un document) qui l'aidera à résoudre son problème)


A-Cher Gilbert, je t'avais confié provisoirement la responsabilité du service lors de mon départ en  congé de maladie. Est-ce que ça s'est bien passé ?

G- Dans l'ensemble, oui ! Je me suis tout de même rendu compte qu'il n'est pas facile de gérer un groupe, si petit soit-il. Pas facile de débusquer les non-dits. Pas facile de faire taire cette satanée secrétaire.

A- Comme tu le sais, autrefois, Solange a été ma maîtresse et j'ai été soulagé quand j'ai enfin pris la décision de rompre. Elle peut souffler le chaud et le froid et, en l'espace d'une heure, te faire vivre un véritable ascenseur émotionnel. Tantôt elle me portait aux nues, tantôt elle me dénigrait ou m'opposait un silence tonitruant. Elle a l'art de mettre le doigt là où ça fait mal. Et puis, elle n'a pas sa langue en poche. Tout ça est aiguisé comme un poignard planté dans une plaie béante.

G-En ton absence, Martine en a fait les frais. Elle est plutôt bonne fille, elle s'en prend toujours plein la figure. Elle qui n'aime pas voir le sang couler. À se demander comment elle a choisi de devenir infirmière. C'est évidemment une métaphore.

A-Une victime née. Tantôt sauveuse, tantôt victime. Me voilà à nouveau pris au piège du jugement d'autrui !

G-C'est humain. On voit toujours mieux la paille... plutôt que la poutre...

A-Comme si je n'en n'avais pas assez pour ma pomme. D’ailleurs, toute cette semaine, je suis resté à ruminer, cloîtré chez moi. Dis-moi, Gilbert, la dernière fois que nous nous sommes vus ici-même, j'ai eu le sentiment que, loin de me comprendre, tu me faisais la morale. Ne disais-tu pas qu'au cours de tes études tu avais appris à écouter ?

G-Je suis désolé, Alain. Mais, si j'affirmais quoi que ce soit, c'était moi aussi que je voulais encourager à prendre un autre point de vue, à me dépasser, à croire en moi. J'ai toujours besoin de réaffirmer ma foi en l'homme pour m'en convaincre.

A-J'admets qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous nous voulons humanistes, nous voulons guider les autres et nous sommes juste des apprentis sorciers.

G-Quelles que soient nos connaissances en matière de psychologie, ça reste un acquis intellectuel avant d'être une expérimentation intégrée.

A-Mon miroir pourrait t'en dire plus que moi. Sur moi. Pour parler d'autre chose, dis-moi, où est-ce que je peux me procurer le manga que je te dois ? Celui-là ou un autre. C'est comme tu veux.

G-Tu me rembourseras le prochain que j'achèterai. Ne te dérange pas ; il y a plus pressé. Venons-en à cette convocation qui semble te stresser outre mesure !

A-Je n'osais pas y venir.

G-En retrouvant un petit livret dans ma bibliothèque, j'ai pensé que tu pourrais souhaiter y jeter un œil. Le voici ! Il a pour titre « L'épuisement » de Guillaume Wattier. Sa préface est de Bernard Fourez, psychiatre systémicien.

A-Pourquoi pas, mais es-tu en train de me dire que je suis sur la pente du burn-out ?

G-Je ne sais pas mais ça vaut peut-être le coup d'y réfléchir. L'auteur y indique quelques pistes pour en sortir. Il s'agit d'un petit ouvrage de vulgarisation très bien fait et, vu tes capacités et tes connaissances, tu trouveras très vite les solutions qui te conviennent.

A-Tu as probablement raison et je te remercie de l'intérêt que tu me portes.

G-Si tu veux, en complément, j'ai aussi un livre de Jacques Salomé et Sylvie Galland : « Si je m'écoutais... Je m'entendrais ». Il fait un peu moins de 350 pages et de temps en temps, j'en relis quelques passages et j'y trouve souvent des réponses à mes questions.

A-Je dois bien admettre que je panique de manière incompréhensible depuis cette convocation. Je n'ose même pas en parler à ma psy. Pourtant lors de ma dernière consultation, j'étais sorti confiant, presque euphorique, surtout grâce à une petite conversation révélatrice avec un jeune lecteur du Petit Prince. Cette instabilité émotionnelle est loin d'être une constante chez moi.

G-Alors, c'est vendu ? Je te passe les livres. Mais surtout, n'oublie pas de reprendre contact avec tes amis. Je peux te dire que tu leur as manqué, et à moi aussi. (700 mots)

jeudi 3 avril 2025

En remplacement de la fin du texte 4

 Tentative de rap sur suggestion de Jan


    Frères humains,

    Avec ma permission, sortez de votre torpeur

    C'est votre mission, recherchez le bonheur

    Votre droit, votre devoir et tous pouvoirs.

    Frères humains,

    De vous, rien ne m'étonne, tout me surprend.

    Votre intransigeance, je l'aime et la redoute

    Votre violence vous isole, j'en ai peur et je l'aime.


    Frères humains,

    Vouloir être unique vous anime, vous vide,

    Vous remplit, vous grandit,vous démesure,

  • Vous donne toute votre mesure.

    Refusez le mirage du bonheur éternel !

    Son immobilisme est sa mort même.

    Frères humains

    Ces instants privilégiés Insaisissables

  • Mobilisent votre énergie, décuplent vos forces,

  • Votre désir de vivre impérissable.

  •  

    Frères humains

    Notre sort commun se nomme solitude

    Nos différences, loin d'être un frein

    À la communication en sont le véhicule.

         Frères humains

    Que de nos solitudes juxtaposées

    Jaillisse pour un instant la certitude

    d'être reconnus, pleinement aimés

    Acceptés dans nos émotions authentiques.

     

    Frères humains

    La vie, un terrible accouchement de soi-même 

    En finissons-nous de couper le cordon ombilical

    À la poursuite de la liberté, de l'indépendance

  • De la pierre philosophale à la pierre tombale

    Frères humains

    Pourchassons sans fin les fées de l'enfance,

    Bonnes ou mauvaises, elles ne sont qu'illusions

    Où se combattent les esprits de destruction

    Et la force tranquille de l'amour universel.

     

    Frères humains

        Si vous le voulez bien, offrez

    La gentillesse non comme un poids

  • Ou une obligation. Faites ce choix

    Son absence nous meurtrit. Osez !

 

 

dimanche 9 mars 2025

Texte 5

Symbolique couleur noire :

  • l'obscurité, l'absence de lumière, l'inconnu, l'instinct de survie

  • tristesse, mort, deuil, solitude, perte, vide, peur, angoisse, colère

Un accident domestique vient compliquer encore davantage la vie d'Alain.



Pour la première fois de sa vie, Alain lit un manga, à la base une bande dessinée en noir et blanc dont le style a été développé au Japon. Il fait office d'exutoire. Ici, il s'agit d'une traduction du chinois traditionnel dans le cadre d'un travail de fin d'études en traduction à l'UMONS de 2022-2023 dont le titre est « Le concerto funéraire » (213 pages ou planches) de Rimui Yumin. Il lui a été prêté par Gilbert, l'assistant social, juste avant l'incapacité de travail qui a suivi la réception du recommandé, peut-être dans l'optique de l'encourager à faire son deuil de « quelque chose » mais quoi ?

En fait, si le noir des images est bien noir, le blanc, les blancs ne sont pas vides de sens. Les symboles et onomatopées, d'ailleurs plus diversifiées en japonais que dans notre culture, ont parfaitement leur place.Tout est fait pour concentrer le lecteur sur le texte, les personnages et leurs émotions face à certains tabous. La mort n'y échappe pas. Il existe aussi une dimension spirituelle : le thème de la vie éternelle est au cœur du manga. Finalement, tout ça n'est peut-être pas si éloigné du mantra, du mandala, toutes ces symboliques et pratiques du bouddhisme.

Cette lecture est un exercice utile pour Alain qui se veut apte à changer de point de vue. Lui qui est habitué à lire de gauche à droite se voit obligé de commencer le livre par la fin et de décrypter les bulles de droite à gauche et de haut en bas, ce qui peut entraîner parfois une certaine confusion suivant l'ordre des images.



Demain, il reprend le travail et, pour restituer le manga à Gilbert, il veut le terminer au plus vite. Même si les mangas sont sensés avoir un effet rassurant auprès de la jeunesse, il faudra autre chose à Alain pour empêcher la nouvelle montée d'angoisse qui l'étreint à l'idée de l'entretien prévu dans l'après-midi à la direction.


En soirée, il avale un anxiolytique, oublieux des techniques de relaxation qu'il connaît cependant. Éclairé par son lampadaire muni d'une liseuse, il se met au lit avec son livre. Il faudra, songe-t-il, qu'il le remplace par un lampadaire LED plus économique et écologique que les ampoules halogènes.

Alain a vérifié le chargement, mis son smartphone en mode avion, enclenché la fonction sonnerie pour six heures et l'a débranché négligemment sans enlever le chargeur.de la prise. Au bout de vingt minutes à peine, il s'est endormi. Soumise à la chaleur de la liseuse pendant quelques heures, la batterie a surchauffé et mis le feu à la couverture du manga posé dessus malencontreusement. Mu par l'instinct de survie, Alain a suffoqué, s'est levé à la lueur du début d'incendie abolissant l'obscurité, a toussé, a ouvert la fenêtre, s'est emparé d'une serviette épaisse sur laquelle il a déversé la bouteille d'eau qu'il met à sa disposition chaque soir au pied du lit afin de se désaltérer si nécessaire et avec laquelle il a étouffé les flammes du livre et ensuite saisi la batterie brûlante et fondante afin d'éviter une probable éventuelle propagation.


L'installation électrique du bâtiment à appartements s'est mise en court-circuit.

Les locataires en vêtements de nuit sont sortis un à un de leur appartement pour s'inquiéter de l'absence de lumière. Le voisin de palier a allumé la torche de son téléphone portable. D'autres l'ont imité pour atteindre le disjoncteur et les différentiels afin de remettre le circuit en fonction. Alain, après une courte période d'hyperactivité salutaire, en état de choc, croyait voir déambuler un cortège de zombies dans les escaliers.



Encore heureux que l'on n'ait pas eu besoin d'appeler les pompiers, se félicita Alain au moment de raconter l'accident domestique à l'équipe du Centre psycho-médico-social pour justifier son retard et sa tête d’ectoplasme.

Mais à part ça, tout va très bien, cher Gilbert, (pourtant, il faut, il faut que je vous dise, je déplore un tout petit rien, un incident, une bêtise,...tout va très bien). Mais non, Gilbert, je suis honteux et confus de ne pouvoir te remettre ton manga dans le parfait état où il était. Je te présente mes humbles excuses. Peux-tu les accepter et me rejoindre dans mon bureau pour un entretien en privé à propos de la convocation à laquelle je suis convié cet après-midi ? 

 (716 mots) 

 

mercredi 5 février 2025

Texte 4

 


Jaune : positif, joyeux, stimulant, optimisme, créativité

négatif : hypocrisie, mensonge, trahison

rire jaune : contraint, nerveux, déclenché par la peur, la honte ou la gêne

Alain se complique la vie, agit contre lui-même


J'ai nettoyé le miroir comme on efface une ardoise. Ça laisse des traces... Effacée cette blessure que j'ai infligée involontairement à un compagnon de classe ! Sa tête se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Effacée, la peur du sang ? Je m'étais senti injustement accusé par l'instituteur. Effacées, la colère et la honte ? Nous jouions à lancer des cailloux pour faire choir le marron encore niché dans sa bogue. J'avais cru faire mieux en jetant une demi-brique qui traînait là.

Effacée, cette culpabilité pour un autre accident du genre ? Alors que je m'engageais dans un terrain vague cherchant l'aventure, je chassai un garçonnet en lui jetant des cailloux à distance mesurée, croyais-je, jusqu'à ce que l'un d'eux l'atteigne au genou. J'avais bien dû admettre en mon for intérieur que je n'étais pas si innocent que cela car, en réduisant l'espace entre la cible et le projectile, il s'agissait avant tout d'obtenir le résultat escompté. Qu'il me lâche une bonne fois pour toutes ! Et puis, encore la honte, quand les parents sont venus montrer la victime et se plaindre à ma mère !


Alors, oui, plus tard, il y avait eu d'autres dérapages. Ainsi, au cours de ma carrière, l'épisode relaté plus avant, avec Martine, l'infirmière et la vidéo qui avait circulé sur les réseaux sociaux. Ma mauvaise foi et ma honte !

Ma légèreté, lorsque j'ai minimisé le problème de harcèlement d'un étudiant qui s'était fait justice de cette manière. Peut-être que la direction n'a pas effacé l'ardoise...


Ce n'est pas malin. Le rendez-vous à la direction est reporté du fait que j'ai remis un certificat d'incapacité de travail d'une semaine. Pourvu que ce ne soit pas perçu comme un aveu de culpabilité ! J'ai coupé mon GSM. Noël, Sandrine et Lorelyne sont sans nouvelles de moi. Je me prive de leur soutien. J'ai laissé le centre psycho-médico-social aux mains de l'assistant social avec pour consigne d'éviter de m'appeler.


Il n'a rien trouvé de mieux que de me faire la morale. Souvent, m'a-t-il dit, nos vies s'échafaudent sur le même thème ; un peu comme si l'instituteur nous renvoyait sans cesse au même devoir, avec la mention « à refaire », jusqu'à la perfection. Nous nous entêtons dans la même démarche, dans les mêmes erreurs. Nous avons pourtant la capacité d'inventer un nouveau cheminement de notre pensée au service de l'intelligence du cœur.


Je soliloque maintenant devant mon miroir. Paradoxalement inspiré par la Ballade des pendus de François Villon, je tente une invitation au bonheur que j'adresse à mes frères humains. Bien entendu, c'est surtout moi que je veux convaincre.


  • Vous, frères humains, vous avez tous les pouvoirs et toutes les permissions. Rechercher le bonheur est votre droit et votre devoir.

  • Rien ne m'étonne de vous et tout me surprend. J'aime votre intransigeance et je la redoute car elle vous isole. J'aime votre violence et elle m'effraie.

  • Vouloir être unique parce que cela vous anime, vous vide, vous remplit, vous démesure, vous grandit, vous donne toute votre mesure.

  • Refuser le mirage du bonheur éternel ! Son immobilisme est sa mort même.

  • Seule la recherche de quelques instants privilégiés mobilise votre énergie et, parce qu'insaisissables dans le temps, elle décuple vos forces et votre désir de vivre.

  • Notre différence, malgré notre sort commun qu'est la solitude, loin d'être un frein à la communication, en est, au contraire, le véhicule.

  • Que de nos solitudes juxtaposées jaillisse pour un instant la certitude d'être acceptés pleinement dans nos sentiments et nos émotions authentiques.

  • Qu'est-ce que la vie sinon un long et terrible accouchement de soi-même ?

  • En finissons-nous de couper le cordon ombilical à la poursuite de la liberté et de l'indépendance.

  • Pourchassons sans fin les bonnes et les mauvaises fées de l'enfance ! Elles ne sont qu'illusions.

  • Vous avez en vous, se combattant, la force tranquille de l'amour universel et l'esprit de destruction des autres et de soi-même. Choisir la gentillesse, non comme une obligation imposée aux autres mais parce que son absence meurtrit. (678 mots)

Texte final

  5ème Blog consacré à « Histoire baroque à trois mains » Avertissement aux lecteurs du blog 2024/2025 L'histoire a commencé bien ...