samedi 7 décembre 2024

Texte 1

Texte 1 : l'escargot, vert, problème au travail (727 mots)


Un escargot, ça trompe, ça trompe

Un escargot, ça trompe énormément...


Pas plus qu'un éléphant1 ou alors, c'est fonction du nombre d'appendices sur la tête...

Voilà qui est invraisemblable.


C'est le temps de l'amour

C'est long et c'est court

Ça dure toujours

On s'en souvient2


Douze heures d'accouplement, je te tiens, tu me tiens, et nous sommes féconds sans distinctions. Ils sortent volontiers par temps de pluie, se contentent de flaques d'eau à mode de miroirs. Avec un seul pied, ils peuvent difficilement faire des claquettes en chantant « I'm siging in the rain ».


Chez les humains, on ne compte pas les semaines, les mois de préambules oratoires et de préliminaires charnels pour parvenir à comptabiliser douze heures d'étreinte dans un couple.


Faut-il envier les escargots, ces champions de l'évolution naturelle ?

Ils sont végétariens au grand dam des cultivateurs mais ne constituent aucun risque de pollution. Ils ne sont guère belliqueux mais se protègent en produisant un mucus épais par leur orifice pulmonaire dorsal et, en cas d'extrême danger, ils font des bulles, ce qui doit être extrêmement impressionnant. Ils disposent d'un œil au bout de chacune des deux grands tentacules rétractiles avec quoi ils cumulent la vision et la détection des odeurs ; quant à leurs paires de petites cornes, elles leur servent d'organe du toucher. Ils bavent par le pied, boivent par la peau, pondent par la tête. Ils ont quatre lèvres autour de la bouche, une seule narine et plus de quinze mille dents. Ils n'ont ni poils, ni plumes, ni écailles mais ils secrètent leur maison, une coquille dont ils scellent l'ouverture par un bouchon calcaire à l'approche de l'hiver. C'est un animal à sang froid qui hiberne ou estive au besoin. Pas de loyer, pas de prêt hypothécaire, pas de chauffage ! Comme c'est pratique.


Alain se dit que nous aurions beaucoup à apprendre des escargots et que la citation d’Einstein est très juste : « Il n'y a que deux façon de vivre sa vie : penser que rien n'est un miracle ou penser que tout est un miracle. »


C'est le printemps, Alain se sent proche de la nature, disponible, prompt à l'émerveillement et cette petite balade l'a mis en position d'observer deux parfaits hermaphrodites qui réunissent des contraires et font disparaître toute dualité.

Rassurez-vous, Alain n'a pas constaté de visu la durée de la fécondation croisée. Il a poursuivi son chemin en songeant qu'il vaut mieux choisir un rythme de vie ralenti, à l'instar de ces mollusques gastéropodes, plutôt que de se précipiter vers sa (la) destination finale.


Cette journée a bien commencé pourtant mais une enveloppe à en-tête de la Province du Hainaut l'attend dans sa boite aux lettres. Il est monté à l'appartement et une fois dans le hall, il l'a décachetée et a parcouru le courrier. Son miroir a lu son regard qui de l'étonnement est passé à l'inquiétude.


Quoi, une augmentation de salaire ? Non pas ! On applique le barème, un point c'est tout ! L'information chiffrée me parvient au bureau. Ici, c'est une convocation à la direction ! Et qui annonce l'envoi simultané d'un courrier recommandé. Voilà un procédé bien inhabituel ! D'ordinaire, le téléphone ou le mail suffisent. Je ne peux pas prendre ceci à la légère. Que se passe-t-il ? S'agit-il d'un avertissement avant préavis ? Pour quelle raison ? Je crois remplir ma charge avec le plus grand sérieux. Quelque chose m'échappe. Soit, je ne suis pas infaillible. Mais récemment, je ne vois rien qui justifie un rappel à l'ordre.

Ah oui ! Je rentrerais bien dans ma coquille et n'en sortirais pas de si tôt.

Eh, toi, mon miroir de face, qu'as-tu à me dire ? Ne me regarde pas de travers ! N'as-tu pas gardé la mémoire de mes masques au jour le jour, des émotions qu'ils trahissent ? Tu dis que je fais erreur, qu'il n'y a pas si longtemps que tu partages ma vie, que je dois interroger ma psyché qui a quitté le hall pour la chambre.

Et toi, miroir jumeau, à qui je tourne le dos, qu'as-tu à dire ? Qu'il s'agit peut être d'un retour de bâton d'une affaire ancienne ou d'une de ces récurrences qui surviennent dans de nombreuses vies, ces sortes de karma dans lesquelles les humains s'emprisonnent et ne savent comment s'en dépêtrer.

1. cf comptine de Mister Toony

2. Chanson de Françoise Hardy

 

7 commentaires:

  1. Bonjour Gisèle,
    Une journée qui commence joliment par une promenade et une rencontre langoureuse (12h !) et "va au ralenti vers sa destination finale"...
    La vidéo qui tourne à l'insu de Noël et Alain serait-elle la cause de cette lettre officielle, intrigante ?
    Depuis quand et pourquoi, Alain est-il fasciné par les miroirs ?
    Enfance, adolescence, depuis qu'il a rencontré Noël ?
    Impatient de découvrir la suite,
    Bien à toi,
    Jan.

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  2. Merci pour ton commentaire éclairé, fouillé !
    Amicalement,
    Jan.

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  3. Bonsoir Gisèle,

    Ha, tout un autre style, et très plaisant, pardi !
    Plaisant, tu me fais bien rire, avec la comparaison des relations sexuelles de l’escargot et, bien sûr, l’être humain. Douze heures. Mais oui, bien sûr …C’est comme si c’était hier.
    Plaisant, car qui plus est, c’est si « vrai » et si poétique dans les premiers paragraphes
    Plaisant, parce que j’apprends des choses incroyables sur ces agréables bestioles (quand la sauce est bien faite).
    J’ai aussi pu lire plus facilement ton texte, me laisser aller, me relaxer. Et puis, voilà, la réalité, ou la Province du Hainaut si préfères, nous retrouve. Avec ses Ressources. Humaines parfois. On saura plus tard. Quoique, tout cela ne me dit pas depuis quand Alain a-t-il travaille-il ? Et combien de temps doit-il encore travailler ? Aime-t-il encore son travail ?
    Merci et à bientôt
    Amicalement,
    Patrick

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  4. Bonjour Gisèle,
    Texte amusant, instructif et original.
    Pas de loyer, pas de prêt hypothécaire, pas de chauffage ! En plus des 12h ..., les escargots ont quand même pas mal d'avantages!
    Depuis quand est-il dans le déni dans son boulot? Est-il aveugle à ce point?
    Merci.
    Nadera

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  5. Bonjour Gisèle,
    Une balade printanière qui nous en apprend beaucoup sur la vie sentimentale des escargots ! Alain en a déduit qu'ils ont une bonne philosophie de vie: vivre au ralenti. Les balades sont souvent source de réflexion.
    Suite à l'ouverture de l'enveloppe, il est déstabilisé et se pose mille questions concernant le pourquoi de la convocation. Et les miroirs sont de la partie!
    Depuis quand Alain est-il dans ce service et depuis quand se confie-t-il à ses miroirs?
    La suite nous éclairera sans doute...
    A bientôt!
    Colette

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  6. Bonjour Gisèle,

    Tu as ajouté un élément à la consigne : l ‘escargot qui semble lié au vert du parcours nature évoqué dans le texte précédent. Le développement très informatif est rédigé avec une plume ambiguë qui lui donne une résonance érotique et qui nous conduit à la réflexion sur les bienfaits de la lenteur.
    Dans la deuxième partie, nous retrouvons l’escargot, cette fois comme image de l’humain apeuré, dépassé par les réalités de sa vie. Que réserve cette lettre ? L’annonce d’un licenciement ?
    Un détail :
    Et toi, miroir jumeau, à qui je tourne le dos, qu'as-tu à dire pour sa défense ?
    J’avoue ne pas comprendre : la défense de qui ? De l’autre miroir ? Pourquoi devrait-il être défendu ?
    Je rappelle une fois encore la nécessité impérieuse d’être précis dans l’écriture quand on choisit de créer un texte ambigu, en délicatesse avec la rationalité.
    Pitié pour le lecteur disait Eva Kavian : ne pas lui imposer une double ambiguïté.
    Dans ton prochain texte, sous le signe du bleu, u enfant donnera des conseils à Alain.
    Bon travail,
    Liliane

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  7. Eh bien, tu nous en apprends des choses sur les escargots ! Et loin d'être inutiles ces informations nous parlent aussi d'Alain. C'est brillant !
    Je me demande depuis quand Alain trouve-t-il son inspiration dans la nature, depuis quand celle-ci nourrit-elle ses réflexions.
    En tout cas l'avenir professionnel semble en danger ou en tout cas promis à changement.
    On a envie de connaître la suite.
    Bonne fin d'année,
    José

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Texte final

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