vendredi 17 janvier 2025

Texte 3 (gris, symbolise l'intellect, l'expérience, la sagesse, la maturité ; Alain fait une recherche)

 


Tout le long du chemin du retour, j'avais l'esprit en ébullition. Je voyais les choses et les gens avec un regard différent. Je regardais vraiment au lieu de juste voir un spectacle de la vie sans couleurs auquel j'étais indifférent, tout tourné vers moi-même que j'étais, tout obsédé par l'avenir que ce courrier me refuserait au moins tant que le rendez-vous n'avait pas eu lieu.


En ouvrant la porte, je savais que j'allais m'immobiliser devant mon miroir, lui tenir tête, lui vomir mon histoire, ma blessure d'abandon de la part d'un père inconnu, fantomatique. Et, au fait, c'est quoi la part du père que j'ai en moi ? À quoi pourrais-je la reconnaître, cette part de gênes que je porte à mon insu ? Est-ce que mes yeux sont ses yeux ? Les siens, la même couleur, la même profondeur ? La même perspicacité, ou la même cécité face aux dénis si confortables en comparaison des réalités, des vérités ? Déduction faite, bien à propos, ou pas, puisqu'ils n'ont rien de ceux de ma mère ! Est-ce qu'il avait cette même manie de lisser sa barbe et sa moustache ? Ou bien était-il imberbe ?


J'allais devoir m'apaiser. Alors j'ai cherché et retrouvé un « simili-album » du Petit Prince, relégué dans un coin de ma bibliothèque. Malgré l'absence de cohérence de lieu et de temps, et sa structure décousue, j'y ai adhéré comme au temps de ma jeunesse. Puis, j'ai éprouvé le besoin de rechercher des infos sur son auteur, Saint-Exupéry et découvrir la Citadelle et sa philosophie.


L'auteur est plus que jamais d'actualité quand il écrit que les chefs ont laissé la place aux gestionnaires et qu'il faut se méfier de l'intelligence car la vie n'obéit pas à la logique. L'avenir ne se calcule pas, il se crée. Einstein, lui, disait que « Nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avons utilisée lorsque nous les avons créés ».


Les guerres sont la volonté de quelques-uns de réduire l'homme à un "être de masse" manipulable à souhait. Qu'est-ce d'autre qu'un corps d'armée à qui, pour faire la guerre, on impose d'obéir et dont on empêche les soldats d'être des créateurs ?


L'homme véritablement créateur est celui capable de créer un dieu nous dit Antoine de Saint-Exupéry. Le dieu, c'est ce qui nous dépasse et qui fait que nous tendons à nous dépasser. Trouver le but de notre existence fait de nous des dieux en puissance.


Alors que j'ai habituellement une vision sceptique, je ne sais pourquoi, j'observe que les philosophies des hommes que j'étudiais dernièrement présentent des similitudes, convergent. Quand je citais Albert Einstein dont les inventions ont mené à la bombe atomique, il n'a pu mesurer son pouvoir de destruction qu'après coup et n'a pu empêcher son utilisation à mauvais escient. D'ailleurs, les citations que l'on met en exergue à son propos sont pacifiques, sensibles et pleine de bon sens. Ainsi on lui attribue la phrase suivante qui devrait être le but primordial de l'existence de l'humanité : Le mot « progrès » n'aura aucun sens tant qu'il y aura des enfants malheureux.


Et comment pourrait-il encore y avoir des enfants heureux alors que nous nous acharnons à continuer à accepter l'extermination massive des insectes qui sont la nourriture des autres familles animales, et l'usage caché des pesticides qui détruisent ainsi la chaîne alimentaire et se retrouvent jusque dans le cordon ombilical de nos bébés.


Les pesticides conçus pour tuer les organismes nuisibles mènent à l'extinction annoncée des abeilles pollinisatrices, ce qui conduit à un appauvrissement de la production de fruits et légumes, etc. Ils seraient causes de nombreuses maladies neurologiques et cancéreuses. Ils mènent doucement mais sûrement, on le constate déjà, à l'infertilité masculine. Non seulement il n'y aura bientôt plus d'enfants malheureux mais il n'y aura plus d'enfants du tout.


À ceux qui rétorqueraient que l'on voit de moins en moins d'épandage sur les cultures, il faudra leur dire que les graines sont enrobées de pesticides, que les semences font l'objet de brevets limitant la possibilité de tout un chacun de cultiver naturellement son jardin.


Comment appeler un génocide qui s'étend à la terre entière ? Une décimation ? Une extinction ?


Tous responsables, tous myopes, tous aphones, tous atones, tous dévitalisés, tous impuissants,...

Même moi ! Alors comment oser se regarder dans le miroir sans baisser les yeux.

(736 mots)

6 commentaires:

  1. Bonjour Gisèle,
    "Comment oser se regarder dans le miroir sans baisser les yeux" !
    Et le petit prince vient bien à propos pour évoquer les réflexion d'Alain sur le pouvoir, l'intelligence, dieu ou Dieu, le progrès ou encore l'écologie...
    Bref une réflexion sur l'humanité, sur l'être humain.
    Mais en fin de compte, chacun n'est jamais préoccupé que de lui-même ! Une morale ressortissant du pessimisme de Nietzsche ?
    Complémentairement à cette action de distanciation ou de se situer dans le grand tout, Alain pourrait, devrait (?) enfin se définir plus concrètement et assumer ses choix existentiels...
    Tu t'étais déjà exercé à ce genre de texte lors d'un précédent atelier et un épisode se terminait par une suite de mantras clamés par le groupe d'amis visant l'Everest...
    J'attends avec avidité les épisodes suivants craignant déjà la fin !
    Bien à toi,
    Jan.

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  2. Bonjour Gisèle,
    En te lisant, j'ai l'impression de participer à un grand colloque traitant d'un monde en crise sous tous les plans.
    Et tout cela au départ de la figure du père absent. . .
    Ton propos analyse le rôle de l'homme dans le monde avec ses innovations et ses dérives technologiques et politiques.
    Alain est très lucide, trop peut-être pour vivre heureux . Il ne cesse d'analyser les problèmes sociétaux. Il est conscient qu'il se sent impuissant face à l'ampleur du problème.
    J'apprécie beaucoup ta phrase: "Tous responsables, tous myopes, tous aphones"
    Et s'il osait affronter le miroir les yeux dans les yeux ?
    Bien à toi,
    Colette

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  3. Bonjour Gisèle
    Voici mes commentaires de ton texte 2 (ceux du ton texte 3 suivent directement après)
    - J'ai toujours été impressionné par le livre du Petit Prince. que j'ai lu à des âges différents. Je trouve que c'est une bonne idée de l'introduire dans ta démarche. Philosophique? Car Renaud pose des questions qui interpelle l'adulte. Je pense que c'est la richesse de ce "livre" (?). Alain n'a ni papier ni crayon. Il n' a donc pas les outils nécessaires pour se mettre au niveau de l'enfant. Donc, si je comprends bien, l'adulte Alain a raté son test.
    Tu poses la question "qu'est-ce que l'essentiel, et plus encore, comment le (re)trouver.
    Et moi aussi, je me demande si Alain a-t-il commis des erreurs importantes ne lui permettant pas de se regarder dans le miroir...
    Merci beaucoup.
    -Commentaires pour texte 3

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  4. Bonjour Gisèle,
    "J'avais l'esprit en ébullition" en lisant la suite on comprends pourquoi.
    Texte engagé, riche criant de vérité .Le gris est foncé.
    J'aime tes références . Très belle chute.
    Alain ne peut pas sauver le monde. mais il peut contribué à un monde meilleur en commençant par son monde intérieur.
    Alain je te conseille la philosophie des stoiciens, Respire , redresse la tête regarde toi bien dans les yeux. Si tu ne fais pas attention ton monde intérieur risque de correspondre au monde extérieur et le gris foncé deviendra noire.
    Merci.
    Nadera

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  5. - Commentaire pour ton texte 3
    De retour de chez son psy, le regard d'Alain s'ouvre vers les autres, et non plus centré vers lui. Il irait mieux...Pourtant, on dirait qu'un regard inquisiteur subsiste : celui du père, celui de son père. Pas si absent que cela. Un père qui est, dans ton texte, un homme. Tu nous parle , implicitement, de son rôle d'autorité au travers de celui des chefs et autres gestionnaires. Un homme viril, ou non par cette barbe là. Pas celle d'Alain. Un homme qui va à la guerre, ou pas. Donc, tu poses la question de l'obéissance, propre au rôde du père. Tu nous mets en évidence cet homme pas si absent que cela par le jeu de l'infertilité masculine, des semences, de l'impuissance. Dont tu nous fais part.
    "Comment oserait-il se regarder dans le miroir" n'est donc plus une question.
    Bien joué.
    Mais, et si Alain qui sait tout cela, arrêtait de se poser des questions et passait en "phase action"? et si il brisait le miroir et le remplaçait pas un autre, neuf et propre?
    Merci Gisèle.
    Amicalement,
    Patrick

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  6. Bonjour Gisèle,

    Un texte riche, multiple, complexe comme la pensée d’Alain.
    Au début, il se sent mieux avec lui-même dans la mesure où il a pris conscience de ce qui lui paraît maintenant essentiel.
    Le paragraphe du questionnement sur l’identité est une très belle réussite littéraire tant par la nature des questions que se pose Alain qua par l’habileté de leur formulation qui transmet avec force le désarroi qu’il éprouve.
    Et à ce désarroi personnel succède celui suscité par l’état du monde. Une réflexion philosophique, bien grise comme le demandait la consigne.

    Tu amorces ainsi la transition avec le texte suivant qui sera jaune et où nous verrons Alain se compliquer la vie, agir contre lui-même.
    Bon travail,
    Liliane

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Texte final

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