mercredi 5 février 2025

Texte 4

 


Jaune : positif, joyeux, stimulant, optimisme, créativité

négatif : hypocrisie, mensonge, trahison

rire jaune : contraint, nerveux, déclenché par la peur, la honte ou la gêne

Alain se complique la vie, agit contre lui-même


J'ai nettoyé le miroir comme on efface une ardoise. Ça laisse des traces... Effacée cette blessure que j'ai infligée involontairement à un compagnon de classe ! Sa tête se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Effacée, la peur du sang ? Je m'étais senti injustement accusé par l'instituteur. Effacées, la colère et la honte ? Nous jouions à lancer des cailloux pour faire choir le marron encore niché dans sa bogue. J'avais cru faire mieux en jetant une demi-brique qui traînait là.

Effacée, cette culpabilité pour un autre accident du genre ? Alors que je m'engageais dans un terrain vague cherchant l'aventure, je chassai un garçonnet en lui jetant des cailloux à distance mesurée, croyais-je, jusqu'à ce que l'un d'eux l'atteigne au genou. J'avais bien dû admettre en mon for intérieur que je n'étais pas si innocent que cela car, en réduisant l'espace entre la cible et le projectile, il s'agissait avant tout d'obtenir le résultat escompté. Qu'il me lâche une bonne fois pour toutes ! Et puis, encore la honte, quand les parents sont venus montrer la victime et se plaindre à ma mère !


Alors, oui, plus tard, il y avait eu d'autres dérapages. Ainsi, au cours de ma carrière, l'épisode relaté plus avant, avec Martine, l'infirmière et la vidéo qui avait circulé sur les réseaux sociaux. Ma mauvaise foi et ma honte !

Ma légèreté, lorsque j'ai minimisé le problème de harcèlement d'un étudiant qui s'était fait justice de cette manière. Peut-être que la direction n'a pas effacé l'ardoise...


Ce n'est pas malin. Le rendez-vous à la direction est reporté du fait que j'ai remis un certificat d'incapacité de travail d'une semaine. Pourvu que ce ne soit pas perçu comme un aveu de culpabilité ! J'ai coupé mon GSM. Noël, Sandrine et Lorelyne sont sans nouvelles de moi. Je me prive de leur soutien. J'ai laissé le centre psycho-médico-social aux mains de l'assistant social avec pour consigne d'éviter de m'appeler.


Il n'a rien trouvé de mieux que de me faire la morale. Souvent, m'a-t-il dit, nos vies s'échafaudent sur le même thème ; un peu comme si l'instituteur nous renvoyait sans cesse au même devoir, avec la mention « à refaire », jusqu'à la perfection. Nous nous entêtons dans la même démarche, dans les mêmes erreurs. Nous avons pourtant la capacité d'inventer un nouveau cheminement de notre pensée au service de l'intelligence du cœur.


Je soliloque maintenant devant mon miroir. Paradoxalement inspiré par la Ballade des pendus de François Villon, je tente une invitation au bonheur que j'adresse à mes frères humains. Bien entendu, c'est surtout moi que je veux convaincre.


  • Vous, frères humains, vous avez tous les pouvoirs et toutes les permissions. Rechercher le bonheur est votre droit et votre devoir.

  • Rien ne m'étonne de vous et tout me surprend. J'aime votre intransigeance et je la redoute car elle vous isole. J'aime votre violence et elle m'effraie.

  • Vouloir être unique parce que cela vous anime, vous vide, vous remplit, vous démesure, vous grandit, vous donne toute votre mesure.

  • Refuser le mirage du bonheur éternel ! Son immobilisme est sa mort même.

  • Seule la recherche de quelques instants privilégiés mobilise votre énergie et, parce qu'insaisissables dans le temps, elle décuple vos forces et votre désir de vivre.

  • Notre différence, malgré notre sort commun qu'est la solitude, loin d'être un frein à la communication, en est, au contraire, le véhicule.

  • Que de nos solitudes juxtaposées jaillisse pour un instant la certitude d'être acceptés pleinement dans nos sentiments et nos émotions authentiques.

  • Qu'est-ce que la vie sinon un long et terrible accouchement de soi-même ?

  • En finissons-nous de couper le cordon ombilical à la poursuite de la liberté et de l'indépendance.

  • Pourchassons sans fin les bonnes et les mauvaises fées de l'enfance ! Elles ne sont qu'illusions.

  • Vous avez en vous, se combattant, la force tranquille de l'amour universel et l'esprit de destruction des autres et de soi-même. Choisir la gentillesse, non comme une obligation imposée aux autres mais parce que son absence meurtrit. (678 mots)

4 commentaires:

  1. Bonjour Gisèle,
    Souvenirs douloureux d'injustices et de culpabilité, de dérapages humains, c'est plus qu'humain !
    Ne pas se rendre à la convocation directoriale est une décision qui aura sans doute de fâcheuses conséquences alors qu'on ne connait pas la raison de cet entretien...
    Quelle touchante revisitation de Villon en forme de mode d'emploi de la Vie ! C'est remarquable mais je ne peux m'empêcher de penser que si cette ballade contemporaine, un vrai rap, avait été écrite avec un rythme plus musical et rimée, ce serait à distribuer à tout le monde !
    Bravo en tous cas.
    Comment Alain va-t-il appliquer cette réflexion ? Ses amis le rejoindront-ils facilement ?
    Je suis surpris par ce climat si pessimiste, si dramatique.
    Qui annonce un total bouleversement de sa vie ?
    Quel plaisir de te lire à chaque fois.
    Bien amicalement,
    Jan.

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  2. Bonjour Gisèle,
    Alain est malade. Reste à savoir de quel type de maladie réelle souffre-t-il...Car la honte et la mauvaise fois sont là, acteurs principaux. Que l'on comprend par ailleurs... Alain n'a pas toujours été un sage garçon: il "blesse" autour de lui. Donc, contrairement à Jan , je pense qu'une réflexion ne suffit pas pour réparer ces "dérapage humains". A un moment , ne serait-il pas nécessaire, voire indispensable de réparer, d'une manière ou d'une autre? De payer ses "fautes" aux autres, et non se limiter à se l'infliger à soi-même. Son miroir peut évidemment l'aider à comprendre, ce qu'il fait d'ailleurs en se rendant chez son psy, en réfléchissant à propos du "Petit Prince"... Mais ce n'est que de a réflexion; comment, à présent , passer à l'action, concrétiser ces pistes évoquées ci-avant? Comment "sortir" du cadre? Oui, c'est cela, comment sortir du cadre dans lequel il est prisonnier? Ces 3 amis ne constituent-ils pas en grande partie cette prison dans laquelle il s'est fabriqué ? Comme dit Jan, la situation est dramatique. Ce qui, pour moi, lecteur, a été très agréable, disons -le aussi!
    A bientôt et merci à toi!
    Bien amicalement,
    Patrick

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  3. Bonjour Gisèle,
    J'apprécie les réflexions de ton texte.
    J'épingle" Nous avons pourtant la capacité d'inventer un nouveau cheminement de notre pensée au service de l'intelligence du cœur.
    Qu'est-ce que la vie sinon un long et terrible accouchement de soi-même ? Ces deux phrases sont importantes et pourrait être des mantras.
    Comment Alain va t'il surmonter sa peur de faire face à la réalité?
    Quand va t'il prendre ses responsabilités et se regarder tel qu'il est vraiment? Cela viendra de l'intérieure ou de l'extérieure?
    Belle réflexion.
    Merci.
    Bon dimanche.
    Nadera

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  4. Bonjour Gisèle

    Encore un texte qui allie plusieurs genres.
    L’introspection négative d’Alain, en accord avec la consigne comme avec le personnage non seulement sonne juste, mais s’inscrit habilement dans le développement général de la nouvelle.
    Ce retour en arrière sur ses « fautes » souligne la dimension humaine d’Alain, sa fragilité émotionnelle, ses tentatives maladroites pour occuper une place, pour être reconnu. Le rappel des dérapages enfantins nous faut comprendre les difficultés persistantes d’Alain adulte.
    Avec son écriture poétique la « ballade » nous offre une réflexion philosophique généreuse sur la nature humaine. Tu pourrais peut-être réfléchir à la suggestion de Jan, de donner un rythme de rap à ce texte : supprimer les déterminants et les mots de liaison inutiles à la compréhension Rimer ? Un sacré défi ! Et facile à dire : ce sérieux boulot, ce n’est ni à Jan, ni à moi qu’il reviendrait, donc c’est toi qui décides.

    Un passage me semble un peu compliqué.
    « Alors, oui, plus tard, il y avait eu d'autres dérapages. Ainsi, au cours de ma carrière, l'épisode relaté plus avant, avec Martine, l'infirmière et la vidéo qui avait circulé sur les réseaux sociaux. Ma mauvaise foi et ma honte !
    Ma légèreté, lorsque j'ai minimisé le problème de harcèlement d'un étudiant qui s'était fait justice de cette manière. Peut-être que la direction n'a pas effacé l'ardoise... »
    Je resserrerais la première partie, la ferais moins explicite et il faudrait signaler que tu passes du passé à l’actualité, genre :
    « D'autres dérapages plus tard… la vidéo de Martine, l'infirmière, sur les réseaux sociaux. Ma mauvaise foi et ma honte !
    Et aujourd’hui, ma légèreté, lorsque j'ai minimisé le problème de harcèlement d'un étudiant qui s'était fait justice de cette manière. Peut-être que la direction n'a pas effacé l'ardoise... »

    Je ne vois pas clair non plus dans « le problème de harcèlement d'un étudiant qui s'était fait justice de cette manière. »
    S’agit-il
    - d’un étudiant harcelé « qui s'était fait justice de cette manière. » mais de quelle manière ?
    - d’un étudiant harceleur « qui s'était fait justice de cette manière. » donc en harcelant, mais il se faisait justice de quoi ?

    Et une question : « Il n'a rien trouvé de mieux que de me faire la morale. » Qui est ce « Il » ? Je suppose qu’il s’agit du directeur, mais l’écriture donne à croire qu’il s’agit de l’assistant social.

    Dans ton prochain texte, sous le signe du noir, un accident domestique viendra compliquer encore davantage la vie d’Alain.
    Bon travail,
    Liliane

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Texte final

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